L'amant (1984)


L’Amant (1984)

de Marguerite Donnadieu (dite Duras) (1914-1996) :
·         Née à Gia-Dinh, près de Saigon.
·         Grandit en Indochine avec ses deux frères.
·         Son père meurt, elle n’a alors que 4 ans.
·         A 18 ans, elle rejoint son frère en France métropolitaine.
·         Elle épouse l’écrivain Robert Antelme.
·         Son mari est déporté pendant la deuxième guerre mondiale, elle entre dans la Résistance.
·         Elle montre un fort engagement politique.
·         En plus de son œuvre littéraire, elle réalise aussi des films.
·         Elle meurt à Paris.
Mouvement littéraire : Nouveau Roman.
Genre : roman autobiographique.
Problématiques possibles :
·         En quoi cette scène de rencontre est-elle originale ?
·         Comment Marguerite Duras mêle-t-elle le topos de la rencontre amoureuse et le registre tragique ?
·         En quoi cette scène montre-t-elle la remise en question du personnage dans le Nouveau Roman ?
Idée 1 : Une scène de rencontre classique par certains aspects.
·         Des personnages sublimés par des figurants oubliés :
« car pour indigènes », « au chauffeur », « cette famille », « la mère » et « les frères » => Certains personnages comme les passagers du car sont à peine mentionnés, de plus, les pronoms « elle » et « je » (qui désignent la jeune fille) et le pronom « il » (qui désigne le chinois) sont répétés dans tout le texte : les deux amants sont les seuls personnages importants.
·         Un lieu romantique :
« sur ce bac », « qui passait le Mékong » => Le fleuve est à la fois un cadre romantique est très symbolique, en effet, le passage d’une rive à une autre marque une transformation, celle qui va être vécue par les deux amants. L’eau est un élément susceptible de faire rêver.
·         Le trouble des personnages traduit par le langage :
« une jeune fille belle […] une jeune fille blanche », « bien, très bien même », « la Rotonde, moi la Rotonde je préfère » => Comme le montrent les nombreuses répétitions dans le discours du chinois, ce dernier semble hésitant.
« une jeune fille belle comme elle est » => Le chinois exprime ici son désir pour la jeune fille.
« Elle lui demande qui il est », « Elle lui demande ce qu’il est » => La jeune fille semble désinvolte, elle n’a pas l’air le moins du monde impressionnée par le chinois. Cette liberté de mœurs se retrouve dans l’écriture anticonformiste.
Idée 2 : Une scène très originale qui trouble … le lecteur :
·         Des personnages anticonformistes : tenue vestimentaire, comportement :
« au feutre d’homme et aux chaussures d’or » => La tenue a priori dépareillée de la jeune fille révèle son appartenance à un milieu social modeste, de plus, les chaussures d’or peuvent être assimilées à des chaussures de princesse.
« limousine », « élégant » => contrairement à la jeune fille, le chinois est riche, bien habillé.
« Elle ne répond pas » , « Elle attend » => elle semble savoir comment faire pour le séduire et n’est pas du tout effarouchée.
« lentement », « Sa main tremble », « il a moins peur », « il avait peur » => Le chinois est intimidé par cette jeune fille blanche, il semble embarrassé.
·         Froideur / neutralité apparente du récit :
L1 à 35 puis l44 à 53 => La focalisation externe crée une distance avec le lecteur.
« intimidé », « peur » => Mis à part les sentiments qui traduisent la gêne du chinois, peu de sentiments sont évoqués dans cet extrait.
Idée 3 : Un amour impossible :
·         Différence sociale, d’âge, de race :
« limousine », « élégant », « minorité financière d’origine chinoise qui tient tout l’immobilier populaire de la colonie » => les deux amants viennent de milieux sociaux radicalement opposés : la jeune fille est pauvre, le chinois est riche (cf : tenue dépareillée, métier de la mère : institutrice).
« il n’est pas blanc », « chinois » => ils ne sont pas de la même « race », un tel amour était impensable à l’époque, ils sont tous deux étrangers en Indochine.
« jeune fille », « aller au lycée », « l’homme », « il a fait ses études » => La encore, il s’agit d’une nouvelle différence : le chinois est un homme mûr contrairement à la narratrice qui est encore adolescente.
·         Un faux dialogue : écarts entre le dit et le non dit (discours rapportés) :
L’absence de repères typographiques crée une confusion dans le repérage des discours, cette absence révèle aussi le trouble des personnages.
« Elle ne répond pas », « Elle attend », « Elle écoutait » => Par moments, la narratrice semble subir l’action.
Les deux amants sont sur des voies parallèles, ils sont voués à ne jamais se rencontrer vraiment. En effet, ils sont tous les deux enfermés dans leur propre discours. La narratrice parle au présent et au futur : de ce qui se passe et de ce qui va se passer. Le chinois parle de lui, de son passé.
Idée 4 : Un registre inattendu : le tragique :
·         Le motif du destin prévisible / de la fatalité :
« elle ne peut plus échapper à certaines obligations », « ce sera leur sort », « pour toujours » => son destin est là, il est tout tracé et immuable (cf : emploi du futur).
La traversée du fleuve annonce la passion destructrice qui lie les deux amants, la narratrice quitte son enfance et sa famille pour chercher une vie meilleure avec un inconnu.
·         Le motif de l’impossibilité :
« il refusera », « ils ne doivent plus le savoir » => Cet amour pourtant impossible, inconcevable à l’époque arrache pourtant la narratrice des bras de sa »mère » et de ceux de ses « frères ».
·         Le motif de la souffrance :
« l’horreur de la famille de Sadec », « une détresse à peine ressentie », « c’est déjà à en pleurer » => La narratrice souffre constamment : avant, pendant et après la rencontre.
Idée 5 : La jeune fille : un personnage qui nous échappe :
·         Pourquoi suit-elle l’homme ? : plaisir de séduire ? intérêt financier ? échappatoire ?
« d’autres que lui pourraient être aussi à sa merci si l’occasion se présentait » => La jeune fille est consciente de son pouvoir de séduction, c’est grâce à lui qu’elle le découvre.
« attentive aux renseignements de son discours qui débouchaient sur la richesse » => Elle utilise le chinois pour trouver une vie meilleure, dans un sens : elle profite de sa richesse.
« l’horreur de la famille de Sadec, son silence génial » => Elle semble aussi vouloir fuir sa famille.
·         Confusion du discours (dialogue, narration, discours indirect libre), au service de cette contradiction.

·         Cette narration rétrospective présente divers systèmes : le système du présent (présent de narration), le système du passé (imparfait) et celui du futur (futur simple).

·        Le récit est discontinu, il se caractérise par une écriture que l’on peut qualifier de cinématographique (on distingue plusieurs « scènes »).

·        Les contradictions du personnage :
« plus jamais » => La jeune fille sait qu’elle se trouve dans un état de rupture et que sa rencontre avec le chinois marque un tournant dans son existence et pourtant, l’expression de ses sentiments est absente ; de même sa famille est dite à la fois « horrible » et « géniale ».
Conclusion :
Lorsqu’elle écrit son autobiographie, Marguerite Duras a 70, elle porte alors un regard d’adulte sur sa jeunesse mais au lieu de clarifier son histoire (de l’enfermer dans une interprétation unique) en l’écrivant elle en conserve, dans l’écriture, tout le mystère et la vie : les sentiments restent contradictoires et ineffables, comme les actes restent plus instinctifs que rationnels.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

A vos stylos ! (euh, claviers..)

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.