Situation
du texte :
La
princesse de Clèves est un roman dont l'action se situe au XVI°s,
il commence ainsi :
" La
magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant
d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second "
=
Henri de Valois, fils de François I° et de Claude de France, né en
1518, marié en 1533 à Catherine de Médicis, roi en 1547, mort en
1559. La romancière situe l'action de son roman dans les années
1557-1559
Il
raconte l'amour impossible (car elle est mariée) de Mme de Clèves
pour le prince de Nemours, " le seigneur le plus brillant
de son temps ". Leur première rencontre a lieu au palais
du Louvre, lors d'un grand bal. L'épisode se situe dans la première
partie du roman, peu de temps après le mariage de Mme de Clèves.
Lecture
Problématique
+ annonce du plan : Malgré une certaine pudeur dans
le style et l'absence de réelles descriptions, ce texte nous
présente de façon très précise les mécanismes d'une rencontre
qui précise le portrait de chacun à travers le regard de l'autre,
et qui met en place tout l'enjeu du roman.
Idées-clé :
- 1. Un roman héroïque et historique :personnages prestigieux et réels (le roi Henri II, La reine Catherine de Médicis et la dauphine Marie Stuart) , héros au sens propre du terme : perfection des protagonistes, bienséance (lui « brillant », elle « beauté » mais PB : Mme de Clèves va trahir cette perfection en éprouvant malgré elle de l'amour pour un autre que son mari (« surprise de le voir »). Comment Mme de Lafayette concilie-t-elle perfection du personnage de roman héroïque et romanesque d'une rencontre amoureuse immorale ?
- 2. Le moment où l'intrigue se noue :- attente forte du lecteur : car scène de bal (propice aux rencontres amoureuses), dans milieu de la Cour (= conte de fées) car beauté de Mme de Clèves déjà évoquée, car c'est un roman (= péripétie amoureuse attendue dans ce genre à l'époque) et qu'il s'appelle « la Princesse de Clèves » ! On attend en qq sorte le coup de foudre... qui va tomber sur les personnages comme un coup du destin alors que Mme de Clèves est mariée : curiosité habituelle pour les histoires d'amour.- enjeu de la scène : comment les personnages (parfaits) font-ils face à cet amour qui les surprend sous les yeux de tous et qui malmène leurs valeurs ? (= enjeu du roman)
- 3. Une scène romanesque :- les protagonistes ne se sont jamais vus et se mettent à danser, se séduisent sans se connaître et séduisent la foule qui les regarde. Ils ne se parlent pas.- des invraisemblances sont concédées au romanesque : Nemours passe par dessus des chaises, le Roi demande à Mme Clèves de danser avec « celui qui arrive » : pourquoi ?- perfection des personnages, éducation respectueuse des valeurs de Mme de Clèves, mais elle laisse venir en elle la passion = Monde irréel d'élégance, de beauté, de passions exaltées
- 4. le jeu des regards : la surprise de l'amour :L'auteur présente alternativement les 2 personnages à travers la vision que chacun a de l'autre. cf répétition du mot « voir » sous diverses acceptions dans tout le texte : la foule admire Nemours, mme de C « vit » un homme, « surprise de le voir quand on ne l'avait jamais vu », « voir Mme de C pour la première fois », « ils ne s'étaient jamais vus », « vous le connaissez sans l'avoir jamais vu » : progression de « voir » à « connaître » avec le coeur...Madame de Clèves vs Nemours
Le
début du texte présente la narration du point
de vue de Mme de Clèves, c'est elle que nous suivons :
" acheva de danser " Et c'est très vite par son
regard/ ses perceptions que nous allons voir / entendre la
scène :" pendant qu'elle cherchait des yeux qqun "
Le lecteur attend qqun avec Clèves
Nemours
est remarqué à son entrée et cela fait « grand
bruit » : « il se fit un assez grand bruit »,
« qqun à qui on faisait place » = personnage important ;
entrée théâtralisée : salle en arrêt, comme
lecteur : passe par dessus qq sièges (chevalier ?
Homme leste, jeune, libre car contraste avec les règles de
bienséance)
Cependant,
dès le premier regard porté sur Nemours elle le reconnaît
: " elle crut d'abord ne pouvoir être que M.de Nemours "
(personnage connu), capable
de capter son attention : " il était difficile de
n'être pas surpris de le voir quand on ne l'avait jamais vu " ;
son charisme qui charme Mme
de Clèves : Sa tenue :
" le soin qu'il avait pris de se parer ", Son
charme naturel :
" l'air brillant qui était dans sa personne "
Une
phrase de transition montre la réciprocité des regards, constate
que chacun est subjugué par l'autre, et inverse brutalement le
point de vue : " mais il était aussi difficile... "
Nemours
vs Madame de Clèves
remarquable
similitude entre les 2 :
une égale surprise. similitude exprimée par la reprise de
l'adjectif " difficile " (l.8+12) par l'adverbe
" aussi ", par l'idée de " la première
fois ".
Les
réactions de M.de Nemours
identiques à celles de Mme de Clèves et montrent la parfaite
organisation du texte : l 10/15 : " n'être pas
surpris " / " fut tellement surpris " ;
l 13/ l 16 : " il était difficile " / " il
ne put s'empêcher " : La force qui les attire l'un à
l'autre paraît irrémédiable
- 5. la naissance d'un couple parfait sous les yeux de tous
La
similitude entre les deux personnages est tellement parfaite
que le hasard disparaît :
ils ne pouvaient pas ne pas se rencontrer : récurrence des
négations (l. 10, 11, 14 - sans-), " difficile "
(l.10, 13) Ces preuves montrent le refus d'une autre possibilité /
faits." il ne put s'empêcher de donner des marques de son
admiration " Conception
platonicienne de l'amour dans Le Banquet : amour des
qualités plus que de la personne, (« air brillant... dasn sa
personne » = intelligence ? Intelligence du coeur ?
L'apothéose
du spectacle de l'harmonie du couple commence avec la danse.
C'est le regard des autres qui
scelle alors le couple : " il s'éleva dans la
salle un murmure de louanges ". La Beauté qui émane du
couple vient de l'harmonie qu'il dégage, la
cour s'étonne d'ailleurs : " trouvèrent qqch
de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître "
et est dépassée par le surgissement de cette perfection symétrique.
Rappel : similitude avec une parade amoureuse. Danse d'amour.
- 6. Le rôle ambigu des autres personnages : une mise en valeur des protagonistes
Le
Roi incarne ici le Destin en provoquant la rencontre (ordre au
discours indirect) : " le roi lui cria de prendre
celui qui arrivait ». Puis à la ligne 18 : " le
Roi et les Reines " : ceux qui ont le pouvoir de faire
et défaire les couples à la Cour cautionnent
à leur tour la rencontre en les appelant ensemble à les
rejoindre : les deux sont dédouanés.
Le destin ou tout simplement, un pouvoir royal
qui joue avec ses sujets, suscite
un badinage amoureux en « convoquant » les
protagonistes : " leur demandèrent s'ils n'avaient pas
bien envie de savoir qui ils étaient ». Ils révèlent la
modestie de Nemours et la lutte que Mme de Clèves commence à mener
contre elle-même (mis en valeur par le discours direct) : ils
provoquent avec amusement son «'embarras », contre tous ses
principes, elle ment : « je vous assure(...) je ne devine
pas si bien que vous pensez » l 31 # l 8
La Dauphine,
en Mme de Clèves dans ses retranchements (« vous
devinez fort bien », l 32), cristallise
cet amour naissant : le mensonge est un aveu. Et
rend visible l'amour caché : « il y a qqch
d'obligeant pour M de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le
connaissez sans l'avoir jamais vu ». Ici,
« connaître » signifie bien sûr reconnaître « l'âme
sœur ».
Conclusion :
Le récit
de cette rencontre présente l'aspect inexorable du sentiment
amoureux comme la tradition du roman le veut. Même provoquée par
jeu, la rencontre fonctionne car le couple était destiné à se
constituer. Cette prédestination dédouane les deux personnages
héroïques qui ne semblent ainsi pas responsables de leurs
sentiments. De plus, la délicatesse avec laquelle Mme de Clèves
prétend ne pas connaître Nemours montre qu'elle lutte contre ses
sentiments...tout en les révélant : Mme de Lafayette concilie
habillement romanesque à la mode et héroïsme hérité du Moyen-Age
et de la fine amor. Elle donne une image parfaite de l'amour, tel que
l'avait illustré Montaigne, qui expliquait ainsi son amitié avec La
Boëtie : " parce que c'était lui, parce que c'était
moi."
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