Les Liaisons Dangereuses - L.A Lettre 173



Lettre 173 : La mort sociale d'une libertine


Titre et oeuvre : Lettre 173, Les Liaisons Dangereuses (1782)
Auteur : Choderlos de Laclos (1741-1803)
Mouvement littéraire : Les Lumières
Visée du texte : Retournement de situation qui peut être moralisateur : "les méchants sont punis"
Thème : Les relations au sein de la société du XVIIème siècle
Registre(s) : pathétique et mélodramatique
Genre : Roman épistolaire


Introduction :
Au XVIIIème siècle, le roman épistolaire est un genre récent (17e siècle), qui connaît un grand succès. Dans les Liaisons Dangereuses, Choderlos de Laclos met en scène deux libertins : la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, qui pervertissent d'autres personnages. La Lettre 173 se situe vers la fin du roman, elle est écrite par Mme de Volanges à Mme de Rosemonde. Grâce à la diffusion de la correspondance de Mme de Merteuil, la vérité a été rétablie. Mme de Merteuil a déshonoré injustement M. de Prévan, mais à présent, la société sait ce qui se cache derrière le masque de vertu qu'affichait Mme de Merteuil, et cette dernière tombe en disgrâce.


I) Un désaveu public

- la scène que raconte Mme de Volanges se déroule à la Comédie Italienne, c'est-à-dire au théâtre > lieu public > humiliation + grande car elle se déroule aux yeux de tous > lieux, symboliquement, de toutes les illusions, du « masque ».

- les aristocrates se rendent au théâtre non seulement pour la représentation, mais aussi pour observer, courtiser, échanger des rumeurs, etc. > ce qui se passe dans les loges est aussi important que ce qui se passe sur scène > la chute de la marquise est donc un spectacle que tout le monde regarde.

- "toutes les femmes" - "seule" = opposition ou antithèse qui accentue la solitude, l'abandon de Mme de Merteuil.

- "tout le monde, hommes et femmes" > hyperbole = accentue l'unité de la foule : c'est comme si la foule ne faisait qu'un, "on" > pronom indéfini = désigne beaucoup de personnes, "se levèrent comme de concert, et l'y laissèrent absolument seule" = la foule ne fait toujours qu'un et fuit Mme de Merteuil comme la peste.


II) Une scène théâtrale

A) La représentation de la chute de Mme de Merteuil à travers la description de l’espace

- "le public qui faisait cercle autour d'eux" > prop. sub. = Mme de Merteuil et M. de Prévan sont au centre de l'attention générale.

- champ lexical du théâtre : "applaudit", "public", "place vide", "le monde".

- le "petit salon" est "rempli de monde" = un maximum de personnes assiste à la scène > la marquise y entre et y ressort comme une comédienne qui interprète son rôle ; les gens présents sont décrits comme un "public" > on a le sentiment d'assister au dernier acte de la chute de la marquise, puis arrivée de Prévan > fait figure de victime rachetée au dernier moment.

B) La réhabilitation de M. Prévan à travers le rapport au public/les mouvements de foule

- Les jeux de scène et les déplacements sont nombreux. En effet, l'entrée en scène de la marquise s'accompagne d'une pantomime dans laquelle elle fait le vide autour d'elle (l. 12 à 14). L'exclusion sociale se manifeste donc de manière spatiale. A l'inverse, les mouvements que déclenche l'arrivée de Prévan signifient le rassemblement, puisque le public l'entoure et fait corps avec lui, traduisant ainsi sa réhabilitation sociale (l. 19 à 21). Enfin, l'image de Prévan "porté devant Mme de Merteuil" évoque la gestuelle du triomphe romain - il est d'une certaine manière porté en triomphe. La gestuelle qui accompagne la chute de Mme de Merteuil est similaire à celle qui achève une représentation : aux lignes 14 à 16, on entend des "huées". A l'inverse, Prévan est applaudi ligne 20, lorsqu'il paraît sur la scène qu'est devenu le "petit salon".

- "on ne doute pas qu'on ne lui rende bientôt son emploi et son rang" = M. de Prévan, qui a été victime d'une machination de Mme de Merteuil avait tout perdu, sa réputation va lui être rendue > ironie du récit : c'est un séducteur.


III) Être et paraître : la chute du masque

A) Un récit rapporté

- "un homme de ma connaissance", "témoin oculaire" > la narratrice précise bien qu'elle n'est pas le témoin direct de cette scène, ce dernier restant anonyme, désigné vaguement.

- cette source semble sûre : "on dit", "on assure", "on prétend" > objectivité à priori, mais incertaine.

- ce récit comporte des marques de subjectivité à la 1ère personne : "je crois ce fait exagéré", "je crois".

- "cruelle scène" > adj. qual. = dénonce (hypocritement?) la violence de cette scène.

B) De l'abandon social jusqu'à la maladie

- "seule" > la solitude est la première étape à la déchéance de la marquise : elle est rejetée (+ exil) par la société.

- "aucun homme ne s'y présenta pendant tout le spectacle" > personne (surtout pas les hommes) ne se préoccupe d'elle (elle n’est donc plus séductrice) > exclusion sociale.

- La maladie qui s'empare de Mme de Merteuil se caractérise par l'irruption de pustules sur tout le corps et le visage du malade > masque de laideur remplace le visage poudré de la marquise > elle porte donc désormais la marque de sa chute et de sa vraie nature, ce qui lui interdit toute apparition publique.


IV) Une fin ambiguë : qui est vraiment héroïque ?

A) La vertueuse Mme de Volanges ?

- Mme de Volanges raconte de façon assez abrupte la « cruelle scène » > plaisir de vengeance ?

- On peut douter de sa sincérité vu les événements (ce qu’elle a fait à Cécile)

- "On assure [...] mais je crois ce fait exagéré" > opposition par la conj. de co. "mais" : par cette opposition, Mme de Volanges anéantit l'héroïsme qui restait à Mme de Merteuil.

- "ce serait [...] un bonheur pour elle d'en mourir" > pitié de Mme de Volanges (?) pour la marquise même si elle est à présent devenue son ennemie (elle semble éprouver de la compassion > prétention ou réalité ?).

- Par conséquent Mme de Volanges peut être vue comme peu vertueuse car hypocrite.

B) Ou l’héroïque Mme de Merteuil ?

- "dont apparemment elle ne se crut pas l'objet" > dimension héroïque > la marquise cache ses émotions.

- "son malheur voulut que" > voc. pathétique > destin tragique de Mme de Merteuil.

- Par ailleurs, elle n’est pas touchée par la vérole (maladie sexuelle) mais par la petite vérole > épargnée par l’auteur ? Ou souligne qu’elle est encore victime d’une société ou prévalent surtout les apparences (son visage).


Conclusion :
Ce retournement de situation rend la fin de ce roman moralisatrice. Caricaturalement, les méchants sont punis. Mais Choderlos de Laclos ne dédommage pas les victimes. Ainsi, cette fin semble un peu ambiguë.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

A vos stylos ! (euh, claviers..)

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.